Regard de nature
Le Thuja plicata de Quinault Lake
C’est avec le spécialiste des gros arbres de l’Etat de Washington que j’ai été à la rencontre du Thuja plicata de Quinault Lake. Bob Van Pelt a parcouru l’Etat de long en large muni de son laser qui lui permet non seulement de mesurer les grands Douglas et les grands Cèdres rouges, mais également d’en reconstituer toute l’architecture, jusqu’à l’orientation et l’implantation de chaque branche de l’arbre. Bob vient juste de publier un livre avec de superbes dessins des plus hauts arbres de l’Ouest Américains.
Ce vénérable Thuya plicata de près de deux mille ans, le plus gros du monde, mesure environ vingt mètres de tour de tronc pour une hauteur de soixante mètres. Il est creux et on peut donc l’observer de l’intérieur, ce qui est rare.
C’est plus au sud, dans la région de Portland (Oregon), que je pu photographier le Noyer de Sauvie Island (Juglans indsii) le plus gros des Etats-Unis avec ses sept mètres de tour.
Ainsi que l’Epinette de Sitka (Picea sitchensis), appelée « Octopus » en raison de plusieurs troncs partant de sa base. Mon ami Gary Braasch, photographe spécialisé dans l’environnement (réchauffement climatique), m’a également montré un splendide érable à grandes feuilles (Acer macrophyllum) et surtout The Klootchy Creek, l’Epinette de Sitka (Picea sitchensis) sans doute la plus large des Etats-Unis. Afin de protéger ses racines, on l’a entourée d’une passerelle qui empêche de la photographier convenablement. C’est la quatrième plus importante Epinette de Sitka au monde.
Après cela, je remontais à Grand-Pass, en Oregon pour y retrouver un arboriste, Michaël Oxman, avec qui je gardais contact par Email. Comme quoi Internet permet de faire de nouvelles connaissances et d’aller plus loin.
Nous sommes restés dans une Tree House, chez un de ses amis Mike Garnier. Ce fut une bonne expérience que de dormir dans un arbre. Ensuite nous sommes allés à Jeddediah Forest admirer de beaux Sequoias sempervirens et au retour, nous nous sommes arrêtés chez Tom Ness qui construit des Tree Boat. Ce sont des sortes de hamacs en toiles qui s’attachent entre les branches des arbres. C’est très passionnant et j’en achèterais un très prochainement. Les arboristes du monde entier en sont très friands.
La Californie et ses arbres vénérables
Les forêts fluviales tempérées, toujours elles, de la côte ouest américaine sont aujourd’hui encore dévastées par les énormes compagnies forestières qui en possèdent de grandes étendues. Les coupes effectuées depuis plus de cent cinquante ans dans ces milieux côtiers ont engendré des glissements de terrain, des érosions et fait disparaître toute vie de la forêt. Devant ce désastre, des amoureux de la nature du nord de l’Etat essaient activement et par tous les moyens de sauver les forêts et notamment leurs gros Séquoias. C’était dans ce but que Julia Hill Butterfly s’était installée en haut d’un superbe Sequoia sempervirens, appelé Luna et sans doute millénaire, surplombant la vallée où se situe l’exploitation et l’usine de Pacific Lumber Company, la plus grande compagnie forestière.
Julia est restée dans cet arbre du 10 décembre 1997 jusqu’à la fin de 1999, sans jamais en descendre. Elle a été très courageuse car elle était continuellement assaillie par les hélicoptères des forestiers qui essayaient de l’intimider. Depuis lors le Séquoia de Julia a été sérieusement endommagé sans que l’on sache par qui : une tronçonneuse a été utilisée pour entailler tout le tour du tronc jusqu’à atteindre le cambium. En dépit des soins multiples que lui ont été prodigués, il a peu de chances de survivre. A ce jour de Février 2004, Luna est toujours vivant car de grands spécialistes avaient réalisés des greffes d’écorces et de cambium!
Il faut aussi savoir que les Droits de l’Homme et du Citoyens sont bafoués et que des jeunes activistes sont régulièrement torturés par la police. Lorsqu’ils manifestent pacifiquement et s’enchaînent autour des arbres, des bulldozers, mais aussi dans les bureaux des compagnies forestières, les policiers utilisent des produits chimiques, comme le PEPPER SPRAY, lequel est injecté dans les yeux des activistes. D’autres activistes sont encore installés dans les arbres géants des forêts de l’Orégon mais peu de journalistes parlent d’eux. N’oubliez pas que ce sont des jeunes qui essayent de sauver la Planète, laquelle a été polluée par l’Homme. Alors que faisons-nous ? Allons-nous laisser les méchants et leur monstrueuses machines massacrer ces beaux écosystèmes, ou allons nous enfin agir?
J’ai adopté la technique du footlock pour essayer de photographier le Del Norte Titan, un Sequoia sempervirens de vingt et un mètres de tour et haut de quatre-vingt-dix-sept mètres. Il vit sans doute depuis plus de mille cinq cents ans dans cette forêt, mais il n’est pas vraiment protégé car son sol est très fragile. Malheureusement le temps était trop pluvieux et je n’ai pu prendre cette photo de haut en bas. Grimper sur un arbre mitoyen est la seule solution pour voir la couronne des Séquoias sans déformation.
C’est pendant ce séjour en Californie que je découvris un Erable à grandes feuilles (Acer macrophyllum) d’environ trois cents ans qui, seul sur la butte d’un pré, contemplait la vallée. Le bois de ces érables est utilisé pour le placage, le mobilier, et les Indiens s’en servait pour la confection des pagaies.
Le plus gros Laurier californien (Umbelluleria californica) que je connaisse, un superbe spécimen, vit près de Salmon Creek depuis des siècles. C’est Cynthia Elkins et Paul Mason de l’ONG « EPIC » qui me le firent découvrir. Je me souviendrais toujours de ce moment là.
Prêts à tout, bien emmitouflés, nous sommes arrivés en haut d’une jolie vallée dans le froid et le brouillard. En marchant, la buée sur mes lunettes, il était difficile de voir au loin, mais Paul Mason et Cynthia me montrèrent de beaux chênes et Lauriers, mais pour arriver au vénérable Laurier, nous avons bien marché une demi-heure. Mais là, je fus en extase devant ce sage, vivant ici depuis des siècles, et recouvert de mousse verte. C’est en effet le plus gros laurier californien que je voyais, quelle splendeur. Sous sa ramure, on ressenti l’odeur caractéristique de ses feuilles persistantes. Il faut y faire très attention et surtout ne pas inhaler directement la senteur forte de la feuille; lorsqu’on la broie dans la main, cela remonte directement au cerveau.
Installant ma chambre photographique, en essayant de la garder au sec, ce qui était impossible, je commençait mes photos, puis enfin Cynthia grimpa dans l’arbre. Ce fut un moment exceptionnel.
Cynthia me proposa d’aller voir d’autres arbres. Nous étions déjà entièrement mouillés, mais j’acceptais avec joie. Nous avons gravit quelques rochers, passer dans des ravins, admirer de beaux écosystèmes. Le brouillard, le froid et la pluie ne nous empêchaient pas d’avancer, détrônant toutes les limites. Enfin, Cynthia me montra son lieu favori, entouré d’arbousier. Son bois mouillé était brillant, rouge, orange, marron et leurs formes si étranges, fantomatiques, mystérieuses. J’étais si heureux, d’être là, de contempler Cynthia dans cet environnement. De voir des jeunes activistes désirant du plus profond de leur cœur, protéger leur nature et de transmettre leur amour aux autres.
Les Séquoias géants (Sequoiadendron giganteum)
Les forêts de Séquoias géants ont plusieurs millions d’années. Leur origine remonterait à l’époque glaciaire lorsqu’ils vivaient en Alaska. Il y avait alors une forêt primaire qui s’étendait à travers l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord. Actuellement, les quelques Sequoiadendron giganteum et sempervirens de Californie et les quelques enclaves de Cyprès chauves (Taxus distichum) et Metasequoias glyptostroboides de Chine sont les seuls vestiges de ce monde passé. Des fossiles de bois, cônes et pollens ont mis en évidence la présence de pins et Séquoias coexistant ensemble depuis cent millions d’années. James Basinger de l’université de Saskatchewan (Canada) a découvert sur l’île de la Princesse Margaret le plus remarquable dépôt de plantes fossiles au monde. Très bien conservés ces dépôts qui auraient quarante millions d’années ont permis de reconstituer le paysage de ces forêts ancestrales.
C’est avec Katherine, la fille de Hilary et Gary Kimber, arboristes de profession, que nous sommes allés dans le Sequoia National Park, où se dresse depuis deux mille sept cents ans le Sequoia Sherman (Sequoiadendron giganteum), un géant mondialement connu et qui doit son origine – n’est-ce pas inimaginable ? – à une petite graine cinquante-huit milliards de fois plus petite que lui. Kathy et moi étions en admiration devant ce géant décharné par le temps.
Pour le General Grant (Sequoiadendron giganteum), Wayne, un ami des Kimber, m’y conduisa et nous avons passé un bon moment en photographiant tous ces splendides arbres sous la neige.
Cette rencontre se fit sous la neige et donna lieu à de belles photos. Si la neige ajoute au charme du paysage, elle est cependant un élément vital pour les Sequoias : leurs racines et leurs aiguilles l’emmagasinent et peuvent ainsi pallier au climat aride de l’été. Si plus de neige ne tombe dans ces montagnes, ce sont les Sequoias géants qui seront en périls.
Avant de partir de la forêt des Sequoias géants, un promeneur nous indiqua une horde de cervidés à quelques minutes. Alors nous y sommes allés, et Oh! surprise et joie! Une vingtaine d’entre eux étaient bien présents. Katherine et moi, nous nous sommes approchés sans trop faire de bruit (ils s’en préoccupaient pas), et je pu réaliser un rêve: réunir une biche au pied d’un Séquoia géant. Merci à vous les animaux, esprits des forêts et surtout un immense merci à Katherine Kimber.
C’est aussi par un jour de neige, et avec Katherine, que nous allions voir le Grizzly Giant au Yosemite National Park, dans Mariposa Grove.
Pour accéder au Grizzly, il faut marcher une bonne heure dans la forêt ; on y est entouré de géants quand soudain surgit le plus majestueux d’entre eux, véritable roi de cette forêt avec ses soixante-quatre mètres de haut et ses vingt-cinq mètres de tour. Il aurait plus de deux mille sept cents ans.
Pendant que je photographiai ces arbres splendides avec des amis formidables, Torrey Young, un autre arboriste californien organisait de nouveaux contacts pour moi ainsi qu’un diaporama – dîner, pour que je présente mes photos et projet d’exposition en taille réelle aux arboristes de la Société Internationale d’Arboriculture (ISA), et du CAA (Californian Arboricultural Association). Comme ils savaient que je voulais photographier les Bristlecone Pine et le Genévrier de Sonora, tous culminants à plus de trois mille mètres d’altitude, ils ont tout fait pour m’aider.
Aussi mon ami Philip Berolzheimer (que j’avais rencontré en Géorgie), me proposa son avion privé. Et non, ce n’est pas une blague, en Amérique tout peut arriver. Stockton – Bishop en 1h ! Plus vite ce n’est pas possible ou alors sur le dos d’un aigle royal. Quelle sont belles ces montagnes immenses sous la neige; j’étais fasciné par ces paysages, depuis l’avion, c’était irréel, comme un cinéma en plusieurs dimensions.
A Bishop, David Trydhal de White Mountains Research Station, m’attendait pour aller voir ces Bristlecone en moto-neige.
Les Pins de Bristlecone (Pinus longaeva), dans les White Mountains de Californie
Ces arbres comptent parmi les plus anciennes espèces végétales de la Planète.
Il y a peut-être cent millions d’années, les pins d’Amérique du Nord poussaient dans des étendues qu’occupe maintenant la mer de Béring. Quand le climat changea, ces communautés de plantes se déplacèrent vers le sud, s’acclimatant géologiquement et climatiquement aux changements rencontrés le long de leur périple. Dans ces grandioses et arides montagnes blanches de l’est de la Californie, à une altitude de plus de trois mille mètres et dans une lumière vivifiante, certains ont survécu plus de quarante siècles, dépassant en âge les Séquoias géants. Ces arbres fabuleux se contentent d’un sol très pauvre et rocailleux avec un minimum d’humidité et une courte saison de croissance, et ce sont curieusement ces conditions inhospitalières qui ont permis leur longévité. Comme ils poussent très lentement – leur circonférence ne s’accroît que d’un pouce (environ deux centimètres et demi) par siècle – ils produisent un bois très résineux de haute densité, résistant au pourrissement et aux maladies. Les aiguilles, elles, peuvent vivre de vingt à trente ans, s’ajoutant ainsi au nouveau feuillage. Ces aiguilles de longue vie fournissent une photosynthèse stable qui aide l’arbre à supporter différents stress sévères rencontrés pendant ces longues années. Une autre stratégie pour survivre est le bois mort graduel de l’écorce et la réduction des tissus qui conduisent l’eau (xylème) quand l’arbre est endommagé par le feu, la foudre, la sécheresse ou les tempêtes. La couronne devant alors suppléer avec des éléments nutritifs égalise l’effet des dommages subis. Les parties qui ont survécu restent en bonne santé. La ténacité d’un Bristlecone (Pinus longaeva) est remarquable.
Pendant tant de siècles les Pins de Bristlecone (Pinus Longaeva) ont combattu les éléments naturels pour devenir ces étonnantes sculptures, vivantes ou mortes, œuvres d’art à l’état brut, déployant leurs formes harmonieuses, qui évoquent parfois de fantastiques silhouettes animales. Quant à ceux dont la mort remonte peut-être à des milliers d’années, le temps leur aura prêté des allures fantomatiques, leurs squelettes restant sur pied, polis par les vents de sable, de neige et de glace, donnant au promeneur l’impression de se déplacer dans un monde étrange, un paysage lunaire.
Le Genévrier de Bennett (Juniperus occidentalis), à Sonora (Californie)
C’est avec le même avion que je me rendis à Sonora. Nous sommes passés à proximité de Yosemite National Park et c’est une curieuse impression de voir les Séquoias géants d’en haut ; nous avons également survolé Mono Lake et je suis tombé sous le charme de cette splendide étendue d’eau bleue turquoise. C’est le fief de la famille d’Ansel Adams, qui était un célèbre photographe naturaliste.
Après quelques jours à Sonora, à la recherche de contacts, je fus pris en charge par Ernie Marino, un arboriste, et ses amis, les frères Burns pour aller voir le Genévrier Bennett (Juniperus occidentalis) qui est âgé d’environ quatre mille ans. Une sacrée journée commença. Mes amis avaient loué des motos neige, meilleur moyen de se rendre à Sonora Pass. Nous avons emprunté de délicieux petits chemins enneigés, gravissant de splendides crêtes tout en admirant les beautés de la montagne. Nous eûmes même à franchir d’un saut de notre engin un petit ruisseau. Enfin, après deux bonnes heures, nous atteignîmes le fief du Genévrier. Un moment inoubliable !
Joshua National Park, Californie :
Avant de quitter l’Amérique du nord, le fils de Weston Naef, ce dernier étant le directeur photographique du Musée Ghetty, me conduisit à Joshua National Park, pour y découvrir l’Arbre de Josué (Yucca brevifolia) lequel est millénaire. Je ne l’ai pas trouvé. Alors que la nuit tombait et que le jeune Naef voulait rentrer sur Santa Monica, J’ai été concquit par quelques Yuccas dont celui-ci, sous la lueur de la lune. Joshua National Park est une lieu magique, et si calme. Un excellent endroit pour se relaxer, méditer! J’y retournerai. Pourquoi pas ensemble…
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