Regard de nature
Les forêts pluviales du Chili :
Comme dans toutes forêts pluviales du globe, l’homme a sévi, laissant pour traces de son passage que des coupes rases, quelques reliques de forêts pluviales, avec de splendides conifères datés à plus de 1500 ans, mais encore des hêtres remontant à l’époque du Gondwana.
Dans les années 1991, Douglas Tompkins, ancien fondateur de North Face, acheta 260.000 hectares de forêts pluviales, au Sud de Puerto Montt. Son parc national se nomme Pumalin. C’est sans exception un lieu idyllique pour réaliser des randonnées sur plusieurs jours.
Pour visiter le Chili, je décidais de financer un chauffeur privé et je demandait en même temps un véhicule à Peugeot, qui m’en prêta un pour une semaine. Mon chauffeur s’appelait Carlos Guillero Hakanson. C’est un homme avec beaucoup de courtoisie, de gentillesse, et un excellent chauffeur. Ceci me permit de monter à Valdivia pour rencontrer Antonio Lara, un botaniste et un jeune ingénieur forestier travaillant pour l’Institut de Sylviculture de Valdivia, Hector Mauricio Lobos, lequel nous accompagna voir le plus gros Alerce (Fitzroya cupressoides) du Chili : « Alerce Costero » lequel mesure 11,40 m de tour et serait âgé de plus de 2000 ans. Nous avons marché deux jours près de La Union où vie cet arbre. Les Alerce sont maintenant protégés. Seuls quelques forestiers auraient soit disant une dérogation d’abattage pour cette espèce. Hector, Carlos et moi rencontrèrent non loin de l’Alerce Costero, à l’opposé de la vallée un homme et sa scierie.
En effet il était en train de débiter de l’ Alerce, facile à reconnaître avec sa sciure rouge. Cela est normalement illégal, car depuis 1976, chaque Alerce est classé en tant que Monument National, mais ce monsieur nous fit découvrir un autre Alerce bien plus splendide que le Costero. Sans doute de même taille mais avec une cime entière et un fut splendide. Son propriétaire souhaite le préserver. Ce fut une longue marche pour y arriver. Ces forêts ne regorgent pas seulement d’Alerce mais aussi d’espèces telles que Nothofagus nitida, Nothofagus betuloides, ou encore Pilgerodendron uviferum. Les plantes vivants dans le même écosystème sont Desfontainea spinosa, Amomyrtus luma, Berberis spp, Myrceugenia chrysocarpa, Crinodendron hookeranum, Tepualia stipularis, Pernettya muccronata, Gaultheria caespitosa et Ovidia pillo-pillo.
Un carottage a été effectué dans un Fritzoya cupressoideset 3625 années ont été comptées. L’exploitation forestière a réduit de plus de la moitié cette espèce. La dévastation de ces forêts de Fitzroyas cupressoides a du être le record le plus rapide de déforestation en Amérique du Sud, immédiatement suivie par la colonisation allemande en 1860. Les forêts furent facilement et rapidement éliminées, dû aux terrains plats, aux accès faciles, et à un port bien situé, Puerto Montt.
La CONAF (Service forestier chilien) et l’Université Australe ont tout de même recensées quelques beaux individus, spécialement ceux de Costero, Andino et Lenca.
Conguillo National Park
Avec Carlos, nous avons continué notre route en direction de Conguillo National Park, sur des routes plus ou moins carrosables, et toujours avec la voiture de Peugeot Chile (Partner). Conguillo est le fief des Araucarias araucana, non loin du volcan de Villarica, et de la frontière avec l’Argentine. D’ailleurs l’année dernière, il y a eu un important incendie dans ces forêts d’Araucarias mais pour l’instant pas d’autres nouvelles…
Avant d’arriver à la forêt d’Araucarias, nous sommes passés sur les terres d’une ancienne coulée de lave. C’est impressionnant de voir la force de la Nature à l’état pure, la végétation reprennant le dessus. De petites plantes herbacées, conifères et autres arbres reprennent leur place.
Les Araucarias araucanapeuvent avoir plus de 800 ans, voir plus encore. On les nomme les « désespoirs des singes », dû à leur feuilles (aiguilles) piquantes. Il est donc difficile d’y grimper. L’Araucaria était déjà présent il y a quelques millions d’années. C’est un arbre fort résistant. C’est aussi un bon colonisateur, en voyant le haut des falaises du Parc. Même si loin, perdu dans ces forêts on rencontre des gens intéressants, comme je me souviens d’un chercheur, qui récoltait quelques grammes de terre, au pied des arbres. Pourquoi? pour étudier la microbiologie et les minuscules vies cachées dans cette terre. C’était instructif, de voir ce chercheurs, crapahutant, avec ses petits sacs et éprouvettes.Le soir, les rangers de la CONAF, nous offrir le gite et le couvert dans la salle des expositions!
Non loin de la ville de Villarica, en compagnie toujours de Carlos, et d’une demoiselle de Prague, et de surcroît femme-policier, nous avons découvert des anciennes souches et troncs d’Alerce, vestiges d’une ancienne exploitation, dont les arbres avait été coupés et brûlés. Certains sont toujours au sol, blanchis par les ans et les climats arides.
Alerce Andino (Fitzroya cupressoides).
Pour accéder au Parc National Andino, certains randonneurs vont marcher plusieurs heures avant d’arriver à l’entrée du parc. Pour ma part je demandais à Carlos de me déposer en voiture et de revenir le lendemain soir.
Deux solutions se prêtent pour aller randonner et admirer les très gros Alerce de Andino Parc. Je demandais à la CONAF de me faire traverser en canoë, le lac Sargazo, pour accéder plus rapidement de l’autre côté soit en 20 minutes au lieu de plus de 3h en marchant. Autorisation refusée car les gardes ne pouvaient endosser la responsabilité de noyade. Je préférais réaliser mon trekking dans cette magnifique forêt, c’est bien plus enrichissant et exaltant.
La deuxième solution s’offrait donc à moi avec grandiose.Je commençais donc de bonne heure et de bonne humeur, sac à dos, tente, sac de couchage, plus tous mes appareils photos, soit plus de 30 kg. Un sentier fait de planches de bois a été construit, mais malgré la vigilance de CONAF, ce sentier ne peut être en bon état, car dans cette forêt, il tombe plus de 4000 mm de précipitation par an. Alors bien sure chaque marche peut être un piège en elle-même. Il arrive que l’on se retrouve les deux jambes dans la boue et jusqu’au genoux, alors qu’à vue d’œil le terrain était parfait.
Les marches devaient être construites sans doute pour les grandes jambes. 40cm de hauteur environ. Au bout de quelques unes, l’effort devient difficile et en descente, il faut retenir tous ces muscles, surtout avec tout le poids des bagages.Quelques haltes bienheureuses me permettaient de souffler et d’admirer autour de moi toute la végétation luxuriante que vous pouvez, vous aussi, admirer sur mes images. Les Fitzroyas ne commencent à apparaître qu’au delà de 500 m d’altitude et deviennent plus abondant à 800 m. Leur canopée peut avoir un pouvoir recouvrant entre 15 et 65% et la forêt devient sombre. En basse altitude, les arbres à grandes feuilles sont dominant.
Pendant ces 3 premières heures de marche, il faut monter, descendre, monter, descendre différentes vallées. Ce qui signifie qu’il faut aussi traverser des ruisseaux ou des rivières en bas de ces vallées. Certaines saisons sont plus favorables pour traverser cette forêt. En gravissant Morraine Summit qui culmine à 405m, l’on peut observer le Lac Sargazo et toutes les forêts qui l’entoure. Le long du trek, l’on peut se familiariser dans une forêt mixte, avec des espèces telles les Nothofagus nitida, Saxegothaea, Laureliopsis et Eucryphia. Sans oublier des tunnels de verdures formés par le bambou Chusquea quild.
De temps à autre, je devais franchir et escalader des troncs morts coupant le sentier. Je voyais difficilement les animaux. En fait, il me fallait rester plus longtemps sans bouger, et attendre qu’ils ne se sentent plus dérangés, telles certaines perruches multicolores ou aussi un petit daim nommé le Pudu-Pudu. En étant chanceux l’on peut aussi voir le vol planant d’un rapace.
Après deux heures de marche, voir plus pour moi qui m’arrêtais sans cesse pour faire des photos, j’arrivais en fin de l’autre côté du lac.
Je déposait donc mon sac à dos et tout mon matériel de campement. Tout en édifiant ma petite tente igloo, je préparais un petit feu, au bord du lac, en utilisant seulement du bois mort. Ce soir là fut merveilleux. A part être entouré de toutes cette immensité, je me sentais seul. Quel dommage de ne pas avoir eu une compagne à mes côtés pour qu’elle profite du spectacle et de cette aventure. Non loin (à vol d’oiseau) de ma tente, j’aperçus une lueur. Ce fut un couple de randonneurs, qui venaient d’arriver. Mais la nuit était déjà présente et chacun de son côté, on contemplait les étoiles.
Le lendemain fut un autre grand jour. Aller à la rencontre de ces majestueux Alerce millénaires. Il fallait gravir des montagnes pour arriver à 800m d’altitude. Tout en grimpant tranquillement, je traversais un petit ruisseau dont le cours d’eau défilait à vive allure sur un rocher légèrement bombé, d’ailleurs que tout randonneur traverse sans se préoccuper d’où venait ce ruisseau.
Alors je sortais du sentier pour m’aventurer sous un tunnel de verdure et de troncs allongés, et quelques secondes après, je vis une magnifique cascade dont l’eau pure et limpide alimentait un mur végétal. C’était merveilleux. Je contemplais encore une fois cette beauté parfaite, la Nature.
La récompense fut au bout du chemin, après 1 jours 1/2 de randonnée, je pouvais admirer ces arbres splendides, ces sentinelles millénaires. Ici-même, les Alerce s’accrochent sur les flancs Est abruptes, à 460 m. d’altitude. La forêt est couverte de 77% de cette espèce. Certains mesurent jusqu’à 2,72 m. de diamètre. Leur tranche d’âge a été daté entre 642 et 1253 ans. Pour ce qui est des autres espèces, les Podocarpus nubigena peuvent avoir 487 ans, les Saxegothaea conspisua 475 ans et les Laureliopsis philippiana 657 ans.
Après quelques photos, il fut temps pour moi de rebrousser chemin, car Carlos venait me rechercher. Alors pressant le pas de temps à autre, je repris mon barda et en avant. Le retour est toujours un peu plus fatiguant, mais le coeur y est, avec toujours plus d’images. Carlos m’attendait tranquillement et nous repartîmes pour Puerto Montt.
Carlos me proposa de rester dans sa famille, le temps de repartir pour les Etats-Unis. J’appréciais donc son invitation chaleureuse. J’assistais un soir à la préparation de la confiture d’églantine. Mesdames, gardez donc vos bas, et utilisez les pour presser l’églantine précuite. Ceci vous évitera bien des tracasserie pour enlever les graines et les poils du fruit. Et c’est très amusant.
Lorsque j’étais à Valdivia, Hector Mauricio Lobos m’avait donné un article sur des souches d’Alerce âgées de 45000 ans, mais lesquelles n’étaient pas encore fossilisées. Elle se trouvent à Puerto Montt, à la vue de tous.
Une forêt originelle retrouvée dans les sédiments de la plage de Puerto Montt.
Ses souches gisent depuis plus de 45000 ans ! Quelle surprise de voir à marée basse toutes ces souches enfouies dans les sédiments. C’est en fait une ancienne forêt originelle de Fitzroyas cupressoides représentée par environ 90 souches d’arbres sub-fossiles. Elles sont exposées dans la zone de Punta Pelluco, à 6km à l’Est de Puerto Montt. Le Dr. Carlos Klohn, de l’Université Australe du Chili a étudié minutieusement l’histoire géologique de ce lieux. S’accordant à ses interprétations, il en déduit que pendant l’ère glaciaire, 50.000 ans auparavant, le niveau de la mer fut plus bas et les glaciers formèrent un gigantesque lac d’eau fraîche, qui est maintenant le Golfe de Reloncavi. La moraine qui a barré le lac est maintenant représentée par les Iles Puluqui, Quellin et Nao. La température fut plus modérée et les Fitzroyas cupressoides colonisèrent les terres humides, au Nord du lac. Des glaciers plus récents créèrent de petits lacs autour du golfe, et un de ces lacs inonda la forêt d’Alerce, et avec le temps, se remplissa de sédiments d’une épaisseur de plusieurs mètres, enterrant les troncs de ces arbres.
Plus tard, des dépôts fluvio-glaciaires se déposèrent dessus ces fins sédiments. Puis l’Océan envahit le lac, créant le Golf de Reloncavi, et inonda complètement les Fitzroyas sédimentés.
En 1960, un sévère séisme releva cet endroit, sans doute de plusieurs mètres. Finalement, l’action des vagues usèrent les sédiments, révélant les troncs de Fitzroyas, lesquels étaient ensevelis depuis 45000 ans. Depuis, il est possible d’admirer ces souches ancestrales d’Alerce, tous les matins ou tous les soirs lors des marées basses. Certaines d’entre elles sont encore en excellente conservation, entourées de sédiments. Les chiliens ne perçoivent que très rarement l’intérêt de ces forêts reliques, remontant à des temps immémoriaux.
La forêt pluviale de Lenca, domaine de Nelson Garcia:
A Puerto Varas, je pu remarquer que malgré la beauté du lieu et de toutes les excursions, c’était une usine à tourisme. Malgré tout, une agence de randonnées me conseilla de rencontrer Nelson Garcia, qui possédait un hôtel de charme, dans la forêt pluviale. Je le contactais, puis pour m’aider, il vint me chercher, et nous remontions ensemble à son hôtel « Alerce Mountain Lodge« .
Restaurant gastronomique, chambres, jacuzzi, sauna, bibliothèque, randonnées à cheval ou à pieds dans sa belle forêt pluviale, certains lieux restent encore à découvrir.
Quelques Alerce (Fitzroya cupressoides), mesurent près de 3m. de diamètre et aurait plus de 2000 ans. Toute une végétation luxuriante est préservée en ces lieux, permettant aux clients de l’hôtel de s’y ressourcer. Le lodge est construit avec des Alerce et se confond bien avec la forêt. Monsieur Garcia est fort sympathique et désire faire connaitre l’écosystème chilien à ses hôtes.
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